La danse en Egypte dispose d’une situation à la fois privilégiée et compliquée. La société égyptienne a un rapport ambivalent vis-à-vis de la danse, selon qu’il s’agisse de danse folklorique, ‘orientale’ ou ‘balady’, de ballet classique ou de danse contemporaine. La société dans son ensemble est familière de la danse folklorique, et généralement fière de cet héritage, alors que la danse ‘balady’ souffre d’une image plutôt négative, en raison de son lien avec des pratiques de la nuit, du cabaret, qui mettent en doute, pour une partie de la population, sa respectabilité. Il n’en demeure que cet héritage, même s’il est aujourd’hui controversé, reste très présent dans l’imaginaire collectif.
La danse occidentale, ou ballet classique, dispose quant à elle d’une place particulière. Introduite dans les années 1960 par le pouvoir politique, elle a un temps représenté l’art officiel, au même titre que la danse folklorique. L’Opéra du Caire dispose
jusqu’à aujourd’hui d’une compagnie permanente de ballet, à laquelle une école est rattachée. La présence de la danse contemporaine est beaucoup plus récente, et remonte au milieu des années 1990. Elle a été introduite au travers d’événements organisés par les centres culturels étrangers présents au Caire et à Alexandrie, parmi lesquels l’Institut Français, l’Institut Goethe, le British Council, et aussi au travers de l’Université Américaine du Caire. L’Opéra du Caire dispose également d’une compagnie permanente de danse ‘moderne’, qui propose des pièces à l’esthétique à cheval entre la modern dance américaine et le jazz.
Depuis la fin des années 1990, une nouvelle scène indépendante d’artistes chorégraphiques a commencé à émerger, à la suite d’ateliers proposés par les centres culturels, qui ont confronté des artistes égyptiens, notamment issus du théâtre, à des esthétiques encore méconnues localement. Aujourd’hui, la scène de danse contemporaine est principalement issue de la formation proposée par le Cairo Contemporary Dance Center, dirigé par Karima Mansour depuis 2012.
Deux événements artistiques annuels, le festival D-CAF au Caire depuis 2012 et le Festival Nassim el Raqs à Alexandrie depuis 2011, offrent également à cette nouvelle scène émergente des espaces de diffusion de leurs créations.
Créer dans l’espace public en Egypte
Il serait difficile de donner une définition générale de la situation de l’espace public en Egypte. Je ne peux faire référence qu’à mon expérience en tant que co-directeur du festival Nassim el Raqs entre 2011 et 2015, et m’appuyer sur des observations personnelles que j’ai pu faire au cours des onze années que j’ai passées dans ce pays, de 2005 à 2016.
J’ai pu constater, au moins dans la ville d’Alexandrie, que l’espace public est saturé, et demande une négociation permanente de la part des artistes et opérateurs culturels accompagnant les projets.
Régulièrement utilisé pour des événements familiaux, mariages, funérailles, ainsi que pour des occasions telles que des ouvertures de magasins, ou de manière spontanée par des commerçants, cafetiers, l’espace public devient une extension d’un espace privé dont la délimitation est parfois ténue.
En revanche, l’utilisation de l’espace public pour des créations artistiques revêt une dimension jugée plus politique, ce qui peut facilement crisper les services en charge du domaine public. La question souvent posée est ‘pourquoi ?’, et il a pu être difficile, par moments, de justifier le caractère artistique des oeuvres présentées face à des autorités préoccupées par la nature politique d’un acte artistique sur le domaine public.
L’accès à l’espace public est compliqué par des procédures de demandes d’autorisation longues et incertaines, impliquant différents niveaux des pouvoirs publics et des services de sécurité. Un long travail de médiation et de pédagogie est nécessaire vis-à-vis des autorités. Ce travail de longue haleine a toutefois porté ses fruits dans le cas de Nassim el Raqs, parvenu en quelques années à installer une relation de confiance avec les autorités, basée sur la qualité des propositions artistiques, la cohérence et la longévité du projet. Les motivations de l’artiste égyptien qui crée dans l’espace public en Egypte, du moins au vu des artistes que nous avons pu accompagner, sont multiples :
l’espace public est considéré à la fois comme une alternative au manque de lieux de diffusion (de tels lieux manquent en effet en Egypte), comme un espace de rencontre entre des publics éloignés de l’offre culturelle et des oeuvres chorégraphiques qui sont encore peu diffusées, mais aussi comme un lieu de revendication, notamment dans le climat actuel de défiance vis-à-vis des autorités, qui restreignent de plus en plus les moyens et les espaces d’expression.
Les incursions artistiques dans l’espace public ne datent pas de la révolution, le processus était déjà entamé avant 2011, mais cette dernière a amplifié ce besoin, cette nécessité de se réapproprier l’espace public, même si tout récemment nous assistons à un phénomène inverse de repli, pour des raisons liées aux contraintes sécuritaires grandissantes.
-Lucien Ammar-Arino
Le Centre Rézodanse [Alexandrie-Egypte] est à la fois un espace de travail et un lieu où de nombreux projets culturels sont mis en œuvre et organisés. Fondé en 2008, sa démarche mêle des actions de formation, de sensibilisation des publics, et de diffusion. Convaincu du rôle de la danse dans l’éducation, il œuvre pour son développement et sa mise en valeur en Egypte, pour l’affirmation de la diversité culturelle de la société égyptienne, et le renforcement du lien social. www.rezodanseegypte.com
“C’est en un sens une autre façon de penser, mais une façon qui produit des idées impossibles à concevoir dans l’immobilité.” Kant De Spain.
Lecture du chapitre Raisons d’une Poétique, dans Poétique de la danse contemporaine, de Laurence Louppe, Contredanse 2007 :
“La poétique cherche à cerner ce qui, dans une oeuvre d’art, peut nous toucher, travailler notre sensibilité, résonner dans l’imaginaire. Soit l’ensemble des conduites créatrices qui donnent naissance et sens à l’oeuvre. Son objet n’est pas seulement l’observation du champ ou le sentir domine des expériences, mais les transformations même de ce champ. Son objet, comme celui de l’art, est à la fois du côté du savoir, de l’affectif, et de l’agir. Mais la poétique a encore une mission plu singulière : elle ne dit pas seulement ce que nous fait une oeuvre d’art : elle nous apprend comment c’est fait.
Autrement dit, quel chemin suit l’artiste pour parvenir au seuil ou l’acte artistique s’offre à la perception. Là ou notre conscience la découvre et se met à vibrer avec elle. La encore, le trajet de l’oeuvre ne s’achève pas: il se transforme et s’enrichit à travers les retours, les résonances. Car la poétique inclut la perception dans son processus. ”
La poétique se situe à mes yeux, dans ces lieux communs, ces situations, ces lieux de rencontre et d’échange, d’interaction, d’un entre-deux, de l’entre-deux de l’interaction. d’une relation. Les danseurs amènent des formes poétiques, à travers leur geste et leur mouvement qui propose un dialogue avec ce qui les entourent.
Quelle est la place de la poétique dans la danse contemporaine en espace public, et qu’en est-il de la politique?
Le corps individuel et collectif est-il impacté, imprégné du contexte, ou plutôt en dialogue et en réponse à celui-ci ?
Comment résonne une matière artistique circulant de ville en ville autour de la mer méditerranée ?
Comment transporte t-on cette matière en soi, avec soi, quand on est danseur et qu’il n’y a ni décor si supplément, quand on a pour tout et pour tout que son corps pour véhicule et habitacle ?
L’expérience corporelle est-elle transportable et cumulable ou singulière et unique ?
Est-il possible de la transporter d’un point à un autre, d’un contexte à un autre, pour la faire résonner, éclater, rebondir ? pour la transformer ?
Cette vaste question peut-elle être un champ de transmission ?
Mes de Danza est un festival internationale de danse contemporaine à Séville. Partenaire du projet et directrice artistique du festival, Maria Gonzales à choisi de situer cette performance dans trois lieux très différents – au Pavillon du futur dans le site de l’exposition universelle de Séville, dans le centre pénitentiaire de Séville, et à Cordoue, devant le C3A : Centre de création contemporaine d’Andalousie.
“Les lieux de représentation radicalement différents les uns des autres ont permis à ce travail d’explorer des matières et des contours différents, ainsi que de se confronter à des publics divers. Le choix de l’espace à Séville, ancien site de l’Exposition Universelle de Séville en 1992, lieux abandonné, a repris vie grâce à SHAPERS. La représentation également à Séville dans le centre pénitentiaire Sevilla est allée à la rencontre d’un public particulier.
Quant au troisième espace à Cordoue, radicalement à l’opposé du site de l’Expo’92, le choix s’est porté sur un espace récemment inauguré dans cette ville, le Centre Andalous de Création Contemporaine. Le choix d’espaces si divergents a mis en valeur la richesse de ce projet artistique proposant aux danseurs des défis de natures différentes dans chacun des espaces.”
-Maria Gonzales, directrice artistique du festival Mez de Danza.
Mes de Danza [Séville-Espagne] Depuis sa première édition en 1994, l’objectif principal du festival Mes de Danza est d’explorer l’art chorégraphique dans ses tendances les plus diverses et les rapprocher d’un public (initié ou non). Au-delà de la programmation de spectacles, il est également un outil structurant pour la danse contemporaine en Andalousie et en Espagne. www.mesdedanza.es
SHAPERS a été présenté à Séville et à Cordoue dans le cadre de la 24ème Édition du Festival MES DE DANZA au :
– Palacio del energia de l’Exposition Universelle de 1992, conçu par l’architect Oriol Bohigas, à Séville, le 28 octobre
– Centre pénitencier, Séville, le 2 novembre
– C3A: Contemporary creation Center, en partenariat avec la Casa Arabe, à Cordoue le 5 novembre
La chorégraphe et les danseurs ont adapté la pièce au lieu du Palacio del energia en travaillant deux jours sur le site.
“Les lieux de représentation radicalement différents les uns des autres ont permis à ce travail d’explorer des matières et des contours différents, ainsi que de se confronter à des publics divers. Le choix de l’espace à Séville, ancien site de l’Exposition Universelle de Séville en 1992, lieux abandonné, a repris vie grâce à SHAPERS. La représentation également à Séville dans le centre pénitentiaire de Seville est allée à la rencontre d’un public particulier.
Quant au troisième espace à Cordoue, radicalement à l’opposé du site de l’Expo’92, le choix s’est porté sur un espace récemment inauguré dans cette ville, le Centre Andalous de Création Contemporaine. Le choix d’espaces si divergents a mis en valeur la richesse de ce projet artistique proposant aux danseurs des défis de natures différentes dans chacun des espaces.”
– Maria Gonzales, directrice artistique du festival Mez de Danza.
Mes de Danza [Séville-Espagne] Depuis sa première édition en 1994, l’objectif principal du festival Mes de Danza est d’explorer l’art chorégraphique dans ses tendances les plus diverses et les rapprocher d’un public (initié ou non). Au-delà de la programmation de spectacles, il est également un outil structurant pour la danse contemporaine en Andalousie et en Espagne. www.mesdedanza.es
Un compte rendu détaillé de la conférence du Festival de Zvrk, par Smirna Kulenović :
La conférence L’art chorégraphique et sa transmission dans l’espace public a eu lieu le 28 septembre dans le bâtiment de la gare principale de Sarajevo, dans le cadre du Festival ZVRK de danse et de performance contemporaine. Son objectif était de rassembler des professionnels locaux et internationaux des domaines de la chorégraphie contemporaine, de la danse et des arts du spectacle, mais aussi des travailleurs culturels qui abordent la question des biens communs dans leur travail dans l’espace public.
Les intervenants : critique et journaliste Jean-Marc Adolphe (France), chorégraphe et directeur artistique du festival ZVRK – Jasmina Prolić (Bosnie-Herzégovine), chorégraphe et directrice artistique d’Ex Nihilo – Anne Le Batard ( France), Meryem Jazouli de l’Espace Darja (Maroc), María González du festival Mes de Danza (Espagne), directrice artistique de Nassim el Raqs – Emilie Petit (Egypte), Fanni Nannay du Festival PLACCC (Hongrie), chorégraphe Žak Valenta du Festival international de danse (Croatie), directrice artistique du Festival des arts de la rue de Mostar – Marina Đapić (Bosnie-Herzégovine), chorégraphe Foofwa d’imobilité (Suisse) et des danseurs du projet SHAPERS.
Le fait de placer cette conférence dans l’espace ouvert de la gare principale pourrait être considéré comme une performance artistique en soi, créée spécifiquement dans le contexte d’une situation paradoxale se déroulant dans un espace vivant mais abandonné. Vif, en termes de passagers qui circulent dans ses halls pour atteindre les plates-formes de train – mais abandonné en termes de manque d’initiatives qui utiliseraient son intérieur ouvert comme un bien commun. Cette atmosphère abandonnée au sein de la gare principale a été momentanément transformée le 28 septembre en créant de nouveaux mouvements et sons dans une discussion artistique qui abordait les possibilités de transformer, étendre, contourner, déplacer et élargir la liberté artistique dans l’espace public.
Un discours d’introduction à la conférence a été donné par le critique et journaliste français Jean-Marc Adolphe, expliquant l’importance de SHAPERS – un projet international visant à amener la danse contemporaine à des endroits inhabituels. Pendant ces périodes où l’Europe peut être considérée comme une forteresse essayant de protéger ses murs contre des envahisseurs, il devient extrêmement important d’élargir ses frontières et de travailler sur des méthodes plus inclusives de création de projets culturels. Pour ce faire, une approche en profondeur devrait être acceptée avec un engagement à long terme sur l’éducation et les échanges entre les artistes et les citoyens locaux et internationaux. Avec cela vient l’idée d’habiter les espaces publics au lieu de simplement les traverser, sur un plan réel et métaphorique – une idée qui est développée par le projet SHAPERS à travers la danse contemporaine. La pratique chorégraphique contemporaine devient ici non seulement une forme d’art, mais aussi une forme d’activisme, un combat pour la liberté qui n’est pas seulement un choix artistique mais une nécessité réelle. À Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine, cette nécessité devient encore plus évidente avec des milliers de réfugiés qui ont dû fuir pendant la guerre dans les années 1990. Mais ce fut l’époque où l’Europe accueillait toujours les réfugiés de guerre et leur donnait la possibilité de vivre et de travailler à l’intérieur de ses frontières, loin de la situation actuelle.
La danse contemporaine comme une habitation responsable de l’espace public
Comment vraiment habiter l’espace public à travers la pratique artistique ? Comment les mouvements chorégraphiés d’artistes qui placent leur corps dans de nouveaux contextes peuvent-ils toujours prendre en compte les histoires uniques de la vie qui se passe à côté d’eux? Comment peuvent-ils s’engager au lieu de simplement se produire, comment peuvent-ils coopérer entre eux et avec les citoyens? Le chorégraphe Žak Valenta du Festival international de danse (Croatie) a conclu que
Les spectacles in situ devraient être créés par des artistes bien préparés, capables d’observer tout en tant que langue, en accordant une attention particulière à la compréhension du contexte, de l’histoire et des antécédents du lieu choisi. L’art, s’il est compris de cette manière, peut influencer non seulement les individus, mais aussi les liens politiques d’une ville ou d’une région entière, en ouvrant des espaces de liberté, d’échange et d’expression.
De nouvelles questions sur la responsabilité du chorégraphe ont été soulevées afin de mettre l’accent sur la création d’œuvres qui permettent aux artistes de danser ensemble et de développer la solidarité tout en dansant avec les autres. Cette approche a pu être observée dans les choix artistiques pris dans le projet SHAPERS – Danse contemporaine dans des lieux insolites et servir d’exemple positif d’interaction et de direction des mouvements entre les personnes de la communauté locale, ainsi que les artistes. D’un autre côté, ce genre de pratique artistique responsable peut également être observé dans le travail de Foofwa d’imobilité qui s’engage directement auprès des citoyens en leur permettant de participer à la performance Dance Walk, qui fonctionne comme un marathon de danse communautaire dans diverses villes, y compris Sarajevo, Mostar et Banja Luka en Bosnie-Herzégovine.
Maintenant! La nécessité de l’art politiquement et socialement engagé
De l’autre côté, la pratique artistique responsable dans l’espace public implique également une observation constante de la situation sociopolitique dans son contexte de création. Il est extrêmement important d’être capable d’agir et de réagir avec l’art, et d’avoir le courage de pousser les pratiques artistiques plus loin dans le domaine de l’engagement politique ou de l’activisme lorsque cela est nécessaire. La directrice artistique Fanni Nannay utilise son exemple du Festival PLACCC (Hongrie), qui a dû cesser d’être «juste coloré et ludique» lors de ses débuts en 2008. Depuis, le gouvernement hongrois a basculé d’une politique qui soutenait pleinement leurs activités pour devenir de droite, strict et dictatorial. Suite à ce changement, le festival a également rendu son programme plus radical et engagé politiquement. Le PLACCC continuait de promouvoir l’art propre au site dans l’espace public, mais il restait ouvert au changement et adaptait ses activités quand il devenait nécessaire de réagir au gouvernement autocratique avec ses lois et règlements stricts.
Un des principaux objectifs du festival réside maintenant dans des examens critiques sur la façon dont les espaces publics et les décisions publiques sont interconnectés et la communication de ce sujet à un large public. L’espace public doit rester ouvert, doit inclure les citoyens dans des espaces physiques et intellectuels de liberté et de coopération mutuelle.
Parler du contexte de la Bosnie-Herzégovine est également très important en ce moment puisque la situation politique, l’histoire et les questions sociales du pays demeurent si complexe et presque constamment mal compris et faussement communiqué par les médias internationaux. Pour exemple, le directeur artistique du festival ZVRK, Jasmina Prolić, nous rappelle que pendant la guerre en Bosnie, presque tous les médias français ont déclaré qu’il y avait une «guerre civile» dans le pays, alors que la réalité était complètement différente.
Ici, les artistes doivent faire les choses par eux-mêmes, de réagir et de créer leur propre espace, puisque le gouvernement n’apporte aucun soutien à ses citoyens, poursuit Marina Đapić, directrice artistique du Street Arts Festival de Mostar.
Depuis six ans, elle continue de rassembler artistes internationaux et locaux dans une ville détruite par la guerre qui est maintenant complètement transformée à travers les activités du festival. Son inspiration vient de l’architecture de Mostar, pleine de bâtiments laissés vides, détruits et hantés. Ces mêmes espaces sont maintenant réoccupés et réutilisés, recréés à travers le street art et les spectacles de rue qui apportent une nouvelle vie et un nouvel espoir à la ville et à ses habitants. Les jeunes surmontent la peur de «l’autre» en travaillant ensemble sur des projets artistiques visant à réoccuper des espaces comme l’ancienne base militaire Konak ou le centre culturel d’avant-garde OKC Abrašević. Ce sont des preuves de la manière dont l’art peut effectivement provoquer un changement politique pour s’unir, malgré les divisions nationalistes si présentes au sein des structures politiques de Mostar.
«L’espace public est le seul choix que nous ayons», Jasmina Kazazić, assistante culturelle et culturelle de ZVRK Festival, rappelle la scène de la danse contemporaine inexistante en Bosnie-Herzégovine.
Ici, les artistes de la danse contemporaine n’ont jamais eu l’occasion de “sortir des auditoriums et des théâtres”, comme c’était le cas avec la compagnie de danse Ex Nihilo en 1994. Ici, en 1994, des bâtiments brûlaient, des maisons étaient bombardées et des civils étaient tués dans l’espace public, tués en essayant de faire leurs activités quotidiennes. Peut-être que la crainte d’utiliser l’espace public, si présent en Bosnie-Herzégovine, devient plus compréhensible lorsque nous gardons cela à l’esprit. Ici, les danseurs contemporains doivent encore se battre pour prouver que ce qu’ils font est même considéré comme de l’art, ils doivent sortir dans la rue pour montrer leur passion et leur pratique parce que la rue est le seul endroit qu’ils ont, le seul endroit dans lequel ils peuvent se sentir acceptés. D’un côté, dans certains pays européens, la création artistique dans l’espace public peut être «poétique», mais d’un autre côté, cela peut être considéré comme un acte extrêmement radical, politique et révolutionnaire.
Le Maroc est un autre exemple de ce type de travail. Meryem Jazouli de l’Espace Darja (Maroc) rappelle que
travailler avec la danse contemporaine au Maroc, c’est vraiment lutter contre la loi qui interdit aux groupes de se rassembler dans les rues. Les travailleurs culturels ici doivent nécessairement être des activistes, ils doivent d’abord occuper l’espace pour pouvoir habiter artistiquement, car c’est aussi le seul choix qu’ils ont.
l’Architecture en tant que chorégraphe silencieuse
Un emplacement puissant qui a accueilli le spectacles de SHAPERS a également été Alexandrie, Egypte. Le chorégraphe et directeur artistique d’Ex Nihilo – Anne Le Batard (France) nous a rappelé leur choix d’utiliser un square serré et occupé comme toile de fond contextuelle dans laquelle les chorégraphes et les danseurs ont développé leur pratique artistique. Cette place étroite en tant qu’élément architectural ne consistait pas seulement à utiliser l’espace pour des mouvements innovants, ajoute le directeur artistique de Nassim el Raqs – Emilie Petit (Egypte), il s’agissait aussi de penser à impliquer les passants dans la performance. Les questions posées étaient de les impliquer dans la performance, et si oui, quelle serait la manière la plus naturelle et la plus naturelle d’aborder leurs mouvements dans un espace aussi occupé, sans perturber leur vie quotidienne, tout en essayant d’ajouter de nouvelles dimensions et possibilités.
C’est, bien sûr, un des questions les plus importantes qui devraient guider la création de toute performance spatiale.
Les passants constituent la partie la plus complexe de tout le contexte puisque ce sont les spectateurs qui n’ont pas choisi de participer à une représentation ou de la regarder, et Il faut donc les traiter avec respect et compréhension, tout en gardant constamment à l’esprit les différentes possibilités d’origines différentes.
Le chorégraphe Foofwa d’imobilité (Suisse) ajoute que pendant ses Dance Walks il tente toujours de créer une atmosphère de confiance, afin que les citoyens impliqués puissent pleinement être eux-mêmes parmi les autres, sans ressentir la pression de créer des mouvements de danse d’une qualité acrobatique ou artistique exceptionnelle. La qualité artistique réside dans la capacité du chorégraphe à créer une telle atmosphère parmi toutes les personnes impliquées dans l’atelier.
Le Dance Walk est une construction hybride entre danse et marche qui met l’accent sur l’utilisation du corps pour créer de nouveaux liens avec le public l’espace autour de nous, permettant de nouvelles formes d’habiter poétiquement. Il fonctionne comme un marathon qui change constamment de lieu, puisque les danseurs se déplacent à travers la ville, changeant leurs rythmes, leurs vitesses et leurs formes tout en utilisant l’expérience comme une pratique spirituelle plutôt qu’une performance faite pour un public. Ici, les lieux choisis deviennent également des chorégraphes silencieux de la danse, car ils façonnent la dynamique et les corps des danseurs impliqués.
Choisir les bons endroits dans la ville de production doit également être l’une des priorités tout en composant la chorégraphie de l’œuvre. Par conséquent, non seulement les emplacements centraux devraient être considérés comme des plateformes d’opération, et une recherche approfondie de tous les quartiers devrait être faite, qui est une recherche qui ne consiste pas seulement à marcher dans la ville, mais aussi il faut engager de manière créative les locaux pour s’informer sur les réels nécessités qui pourront être traités artistiquement dans certains espaces.
Quel art en espace public aujourd’hui ?
En fin de compte, il n’y a pas de réponse facile à ce que l’espace public est aujourd’hui et ce que l’art dans l’espace public devrait être – autre que c’est à nous de rester constamment sensibles à la vie qui se passe autour de nous, que nous soyons en train de créer une œuvre d’art ou que nous vivions simplement dans l’espace en faisant nos activités quotidiennes. Cette sensibilité est essentielle à la fois pour les artistes et pour tous les citoyens qui doivent constamment se souvenir de leur rôle dans l’élaboration des formes matérielles et intellectuelles de l’espace public. L’occupation de l’espace public devient parfois la seule forme d’expression de notre propre liberté d’existence, que l’on retrouve effectivement dans la façon dont nous sommes autorisés à utiliser cet espace comme une extension de notre propre être, dépassant le sanctuaire privé de nos foyers.
À une époque où l’Europe et le monde entier adoptent des approches politiques de droite visant à exclure toutes les différences et à devenir des forteresses étroites, c’est aux artistes de trouver des moyens créatifs d’élargir non seulement leur propre liberté de mouvement et de pensée, mais aussi la liberté de tous en faisons des oeuvres responsables et engagés socialement.
Quel genre de temps s’agit-il, quand parler des arbres est presque un crime Parce qu’il implique le silence sur tant d’horreurs ?
(Bertolt Brecht, Pour ceux nés plus tard, 1940.)
Smirna Kulenović
Zvrk [Sarajevo, Bosnie-Herzégovine], une association de promotion de l’éducation et de nouvelles initiatives de danse en Bosnie-Herzégovine, lancée en 2009 pour la première édition du Festival Zvrk. Le but de cette initiative est d’atteindre un objectif commun parmi les acteurs culturels et les artistes en Bosnie-Herzégovine, de développer la danse au niveau local, à travers l’enseignement, les initiatives de sensibilisation et les performances. https://zvrkart.com/
Smirna Kulenović [Galerie d’art contemporain Brodac & le mouvement pour l’art dans les espaces publics Dobre Kote] est une jeune artiste, militante, conservatrice et historienne de l’art ayant une formation professionnelle en histoire de l’art et en philosophie. Smirna travaille en tant que commissaire d’une galerie d’art contemporain autonome “Brodac” à Sarajevo, et est une fondatrice / directrice de création du Mouvement pour l’Art dans les espaces publics “Dobre Kote”.
Suite à une résidence de création à l’Espace Darja de Casablanca du 29 février au 6 mars au Maroc, Meryem Jazouli, chorégraphe et directrice artistique d’Espace Darja, a choisi de présenter les toutes premières étapes de la création de la danse et du projet de coopération au cœur du centre-ville de Casablanca : la place des Nations Unies, juste en face de la Médina ville d’origine). Cet espace reflète la ville elle-même et est traversé chaque jour par des milliers de personnes venant et partant partout…
Cette performance publique a été possible grâce à un partenariat avec l’Institut français de Casablanca.
L’Espace Darja [Casablanca-Maroc], fondé par Meriem Jazouli, chorégraphe, est un lieu de résidence, d’expérimentation culturelle, inscrit dans le paysage artistique comme une plateforme d’échange, de rencontre et de présentation pour le développement de la danse contemporaine au Maroc. www.espacedarja.com
Les 4 danseurs Ex Nihilo (Anne Le Batard, Jean Antoine Bigot, Corinne Pontana et Rolando Rocha) ont mené une résidence de création avec les 8 danseurs du projet SHAPERS du 29 février au 8 mars à l’Espace Darja de Casablanca au Maroc.
Quelques semaines après le rassemblement de l’ensemble de l’équipe à Marseille, les places et les rues de Casablanca ont offert de nouvelles atmosphères et espaces pour observer, réagir, danser et créer.
Meryem Jazouli, chorégraphe et directrice artistique d’Espace Darja, a choisi de présenter les toutes premières étapes de la création de la danse et du projet de coopération au cœur du centre-ville de Casablanca : la place des Nations Unies, juste en face de la Médina (ville d’origine). Cet espace reflète la ville elle-même et est traversé chaque jour par des milliers de personnes venant et partant partout…
“Comment poser un geste, son geste dans un espace comme celui-ci ? Comment lui donner suffisamment vie pour qu’il fasse écho à cette architecture, ce cadre et dans l’esprit du public?
Avec générosité, sobriété et beaucoup de disponibilité les danseurs apprenaient à porter, transmettre , questionner et même à faire réagir le public autour de cet objet chorégraphique qu’ils défendaient progressivement avec acharnement ”
-Meryem Jazouli, l’Espace Darja
Cette performance publique a été possible grâce à un partenariat avec l’Institut français de Casablanca.
L’Espace Darja [Casablanca-Maroc], fondé par Meryem Jazouli, chorégraphe, est un lieu de résidence, d’expérimentation culturelle, inscrit dans le paysage artistique comme une plateforme d’échange, de rencontre et de présentation pour le développement de la danse contemporaine au Maroc. www.espacedarja.com
Nous rencontrons le Sheikh Gaber, avec Ahmed Helmy et Yasmine, grâce à une mise en lien effectuée par Yasmine. Il nous reçoit avec beaucoup d’attention et nous écoute avec intérêt. Nous lui parlons de Nassim, de nos tentatives de faire exister l’art, la création et la danse dans des lieux et espaces atypiques d’Alexandrie, de notre ambition d’entrer en contact avec une ville dans son ensemble, son contexte, ses habitants, ses énergies.
Puis nous lui parlons de Shapers, et de cette idée de réunir des jeunes d’Egypte, du Maroc, d’Espagne et de France, pour les faire traverser ensemble une aventure de création et de transmission à la danse en espaces publics, dans chacune des villes dont ils sont issu-e-s.
Nous lui montrons la vidéo réalisée à Séville, à la fondation des 3 cultures. Il apprécie. Il nous dit qu’il sent que nous recherchons, lui et nous, les mêmes choses à l’endroit du partage humain et du dialogue entre les cultures. Que le chemin de Abbu el Abbes el Morsi est passé par les mêmes trajectoires que nos jeunes. L’Espagne, le Maroc, avant de n’arriver en Egypte. Je suis émue par cette ouverture et cette volonté de fabriquer du sens commun entre nous.
Il me demande de lui envoyer la vidéo sur WhatsApp. Avant de le faire, je la regarde à nouveau. Sous la canicule du sud de l’Espagne, l’une des filles s’est dévêtue de son tee-shirt, et danse avec un simple soutien-gorge pour la répétition. J’ai suis gênée d’envoyer cette vidéo. Yasmine semble trouver cela normal.
Nous nous sommes accordés sur le fait que le Cheikh nous donnerait une réponse une semaine plus tard, après avoir consulté les membres de sa communauté. Sans l’avoir vraiment voulu, sur le chemin du hasard, nous avons entamé un processus de demande pour faire une création sur l’esplanade de la mosquée Abu el-Abbès el Morsi d’Alexandrie.