La politique dans le rues de Casablanca

« On le saurait, politiquement parlant, si vivre ensemble était une chose facile »

– Anne Le Batard

La politique, au Maroc comme ailleurs, c’est avant tout des mots, des mots-clés, des mots-phares, des accroches : « liberté », « justice », « démocratie », « réforme »… au Maroc la mode est aux formules duales choc, « justice et développement », « authenticité et modernité », « progrès et socialisme », ou encore « renaissance et vertu » autant de noms que les partis n’ont pas hésité à se donner.

Des mots donc, à la fois lourds et vides de sens, qui en plus ici sont toujours associés à des images. Car dans un pays qui tremble encore honteusement devant le spectre de l’analphabétisme, La lanterne, la rose, le tracteur, le cheval… sont autant de symboles enfantins qui tapissent murs et trottoirs pour donner à la ville des allures d’imagier géant et aux bulletins de vote celles d’un carnet de bons points.

Campagne sur la ville

On n’entrera pas dans les méandres du système électoral marocain, ce n’est pas le propos. Mais de politique on ne peut faire fi lorsqu’on aborde la rue, la ville, ses habitants ; lorsqu’on investit l’espace dit public et particulièrement dans un pays comme le Maroc.

Qui plus est, lorsque par le hasard des choses, notre période de travail correspond à celle de la préparation des élections législatives prévues le 7 octobre, dernier jour d’atelier à Casablanca pour le projet SHAPERS. Symbolique ?…

Dans un contexte où espace, expression et individu sont généralement bridés, règne ces jours-ci une sorte d’accalmie. Une trêve pendant laquelle un seuil de tolérance exceptionnellement indulgent permet, sous couvert d’étendards, hymnes et autres fanions politiques, des rassemblements et des prises de paroles habituellement contrôlés.

Croiser ces cortèges, se voir offrir des tracts et des slogans en pleine performance devant un mur de tableau électoral… ce sera aussi ça la danse pour les jeunes danseurs marocains ; la danse dans l’espace public ou comment apprendre à intégrer le quotidien et se laisser pénétrer par lui, accepter que les éléments, humains, sonores, physiques, fassent eux aussi partie du jeu.

Ainsi, alors que les jeunes danseurs font leurs premières sorties et se familiarisent timidement avec Casablanca, les partisans, performeurs rompus à l’exercice, investissent déjà les rues de la ville.

Avec dans l’air des slogans pour seule musique, sur les murs des logos et affiches en guise de graffiti et dans les rues des défilés en guise de spectacle… on ne peut en conclure qu’une seule chose : l’espace public a plus que jamais besoin de l’art…


Texte : Nisrine Chiba Images : Espace Darja et Ex Nihilo

Le workshop à Casablanca

Meryem Jazouli

10 jours déjà …  

Cela fait 10 jours que je vois arriver chaque matin les 12 danseurs retenus pour suivre la première période de workshop du projet SHAPERS à Casablanca.

10 jours que je les regarde travailler et malgré une énergie malheureusement fluctuante pour beaucoup, l’envie de faire partie de cette expérience semble générale. Pourtant et malgré leur jeune âge, nous sentons qu’il leur est difficile de suivre un programme de travail aussi intense …

Etre concentré, réactif , engagé , impliqué , créatif … Pour chacun d’entre eux l’apprentissage est difficile, mais ils semblent chaque jour et toujours un peu plus, en comprendre les enjeux et la nécessité.

10 jours que j’entends Anne et Corinne les abreuver d’informations, d’images , d’explications, de corrections, à tel point qu’elles me donnent l’impression de 2 coachs sportives qui prépareraient une grande compétition … Elles puisent une énergie sans faille à les maintenir sur le vif, une énergie qu’elles continuent à déployer après les ateliers dans de longues discussions sur ce que nous observons au quotidien avec ces jeunes danseurs.

Plus que jamais nous sommes convaincues que de tels projets sur la durée sont indispensables, en particulier dans nos pays où la formation fait souvent défaut et où il est difficile de faire comprendre à ces jeunes danseurs que la danse et leur choix d’être danseur demandent un engagement total (et encore plus pendant les heures de travail).

Mais la pugnacité et la détermination de nos équipes font front à ces flottements où nous avons souvent le sentiment que le choix artistique de beaucoup de ces jeunes n’est pas vraiment fondé et tient souvent au besoin de remplir un agenda … C’est aussi cela que nous avons pour ambition de changer ; en tout cas et pour au moins deux d’entre eux.

La sélection est faite. Finalement…difficilement…et au prix de confrontations pour les moins houleuses. Nous sommes extrêmement surprises par leur manque d’organisation, par leur difficulté à décider et à être clair sur leur perception ou compréhension de leur statut d’artiste en tant que profession qui demande engagement et organisation…

L’humeur n’est franchement pas joyeuse ni optimiste, nous sommes pourtant déterminées à leur faire prendre conscience qu’être danseur c’est faire fi de la facilité, c’est aussi et même faire des sacrifices car la danse que nous défendons est celle portée par des artistes, des individus qui n’ont jamais envisagé et à aucun moment leur art comme un divertissement ou un choix fait par défaut…

Cela fait donc 10 jours que beaucoup de questions restent en suspens…Peut-être, voire certainement en prévision de nouveaux ajustements …

Qu’est ce qu’être un artiste aujourd’hui ? Demain ? Et dans un contexte comme le nôtre ?

Pasolini a dit dans un de ces derniers textes : «  Jeter son corps dans la lutte » . Cette phrase là résonne souvent dans ma tête mais la comprendraient-ils ? Est ce que danser c’est résister ? Et est ce que danser dans l’espace public c’est l’affirmer ? Des questions que je l’espère ils se poseront bientôt .

Car lorsque la magie opère et que nous sommes témoins de ces moments de grâce dans les rues de Casablanca et que tous sans exception sont portés par cette énergie qui les rassemble, cette tension qui les anime nous ne pouvons que voir la part d’artiste qu’ils portent en eux, une part dont ils n’ont peut-être pas vraiment conscience mais qui une fois révélée leur permettra de ne plus jamais revenir en arrière….

10 jours sont donc déjà passés, et ce n’est que le début pour nos deux jeunes marocains Ayoub et Mourad qui font désormais partie du projet … Un projet qui je l’espère contribuera à faire de ces jeunes, les artistes de demain.

A suivre donc…

Car dans 10 jours, aura lieu à Séville le prochain rdv SHAPERS…


L’Espace Darja [Casablanca-Maroc], fondé par Meryem Jazouli, chorégraphe, est un lieu de résidence, d’expérimentation culturelle, inscrit dans le paysage artistique comme une plateforme d’échange, de rencontre et de présentation pour le développement de la danse contemporaine au Maroc. www.espacedarja.com

Texte : Meryem Jazouli  | Images :  Espace Darja

in’8 circle

PRÉSENTATION

in’8 circle • maison de production est une maison de production œuvrant dans les domaines du théâtre, de la danse et du cirque. C’est un lieu ressource pour penser son développement, mettre en place une organisation ou fabriquer ses outils de gestion et de prise de décision. in’8 circle s’engage auprès d’artistes dans le développement de leurs projets et de leur carrière.

Créée en 2010, in’8 circle • maison de production a mis en place au fil des rencontres avec les artistes des modalités de travail différenciées, cheminant dans ses pratiques au contact des réalités des équipes artistiques. De l’accompagnement des compagnies « permanentes » aux journées de travail ponctuelles avec les équipes artistiques en transition ou les compagnies en structuration tout un éventail de modalités de travail s’invente ainsi.

COOPÉRATION EN MÉDITERRANÉE

Partenaire du projet SHAPERS, un dispositif de coopération euro-méditerranéen pour la transmission, la création et le développement de la danse contemporaine en espace public et espaces singuliers en Méditerranée, in’8 circle a apporté son soutien aux partenaires pour la candidature auprès de l’Union Européenne et a assuré le suivi jusqu’en 2018. Ex Nihilo est le chef de file du projet SHAPERS qui reçoit le Soutien de l’Union Européenne de 2016 à 2018 sur le programme Europe Créative.

Workshop et audition à Casablanca

Les premiers pas dans la rue

Les premiers actions du projet SHAPERS ont eu lieu à l’Espace Darja, à Casablanca, avec un atelier de danse pour un groupe de 15 danseurs du 26 septembre au 9 octobre 2016 à l’Espace Darja et dans l’espace public. Suite au workshop, deux danseurs marocains ont été sélectionnés lors d’une audition pour la création de la pièce chorégraphique SHAPERS.

Commençons à faire face à la rue … Comment le corps interagit-il avec l’espace public et les gens dans un environnement urbain?

“Cela fait 10 jours que je vois arriver chaque matin les 12 danseurs retenus pour suivre la première période de workshop du projet SHAPERS à Casablanca. 10 jours que je les regarde travailler et malgré une énergie malheureusement fluctuante pour beaucoup, l’envie de faire partie de cette expérience semble générale. Plus que jamais nous sommes convaincues que de tels projets sur la durée sont indispensables, en particulier dans nos pays où la formation fait souvent défaut et où il est difficile de faire comprendre à ces jeunes danseurs que la danse et leur choix d’être danseur demandent un engagement total (et encore plus pendant les heures de travail). Car lorsque la magie opère et que nous sommes témoins de ces moments de grâce dans les rues de Casablanca et que tous sans exception sont portés par cette énergie qui les rassemble, cette tension qui les anime nous ne pouvons que voir la part d’artiste qu’ils portent en eux, une part dont ils n’ont peut-être pas vraiment conscience mais qui une fois révélée leur permettra de ne plus jamais revenir en arrière… “

-Meryem Jazouli, Directrice de l’Espace Darja

Les deux danseurs sélectionnés pour le projet au Maroc :

Ayoub Kerkal
Mourad Kouala

 

 

 

 


L’Espace Darja [Casablanca-Maroc], fondé par Meryem Jazouli, chorégraphe, est un lieu de résidence, d’expérimentation culturelle, inscrit dans le paysage artistique comme une plateforme d’échange, de rencontre et de présentation pour le développement de la danse contemporaine au Maroc. www.espacedarja.com

 

Festival Mes de Danza

Le projet SHAPERS a bénéficié d’une première résidence de création, dans le cadre de l’édition #23 du festival Mes de Danza et à été présenté lors d’une performance dans l’édition #24.

Le festival :

Depuis sa création en 1994, Mes de Danza, festival international de danse contemporaine, événement d’initiative privée, a contribué à la conception de la scène de danse contemporaine à Séville et en Andalousie, où a cette époque, c’était un grand inconnu.

Approfondir et explorer l’art chorégraphique dans ses tendances les plus diverses et les rapprocher du public a toujours été son moteur.

Elle constituait, à ses débuts, la seule plateforme pour les quelques artistes andalous qui se sont lancés dans cette langue. Et depuis, elle a contribué à l’émergence et à la visibilité d’une nouvelle génération de chorégraphes.

La création de cycles tels que “Microdanzas”, “Universidad y Danza”, “Danza en espacios singular” a amené la danse dans d’autres contextes et l’a rapprochée de nouveaux publics.

Au fil des ans MES DE DANZA, a étendu son rayon d’action dans toute l’Andalousie, en soulignant son extension à Cádiz, où le festival « Cádiz en danse » est devenu une manifestation autonome sous la tutelle de la mairie.

Après sa longue l’histoire, MES DE DANZA a été consolidée comme le rendez-vous d’automne de la danse à Séville, en tant que principal forum pour le développement de la danse contemporaine en Andalousie et comme un festival de référence en Espagne et sur le circuit international.

En reconnaissance de son travail culturel, MES DE DANZA a reçu le Premier prix du public de Canal Sur Radio en 2006, et le prix ‘el Premio MAX de LAS ARTES ESCÉNICAS’, décerné par la critique, de la ‘Télévision Andaluzas a la Entidad Cultural’ en 2009.

Tout au long de ces années, les objectifs de MES DE DANZA et ses priorités ont évolué en fonction de l’évolution du contexte social et culturel et des besoins du secteur. Aujourd’hui, les objectifs et la poursuite de de continuer tournent autour de diffusion de la langue de la danse contemporaine et la diversité des langues, les créateurs de promotion et de soutien et les artistes, la favorisation d’un programme régulier de la danse contemporaine dans les zones pittoresques Andalous et l’échange et les synergies entre les communautés.

Depuis 2007, de nouvelles lignes d’action ont été ouvertes grâce à la programmation autour de thèmes. Il s’agit de faire un pas de plus dans la connaissance et la réflexion sur la danse. Le public a suivi avec enthousiasme, un geste qui nous encourage à continuer de travailler dur et de continuer à grandir.

María González
Directrice MES DE DANZA


Mes de Danza [Séville-Espagne] Depuis sa première édition en 1994, l’objectif principal du festival Mes de Danza est d’explorer l’art chorégraphique dans ses tendances les plus diverses et les rapprocher d’un public (initié ou non). Au-delà de la programmation de spectacles, il est également un outil structurant pour la danse contemporaine en Andalousie et en Espagne. www.mesdedanza.es 

Nassim el Raqs

Nassim el Raqs est un projet artistique qui se déroule à Alexandrie depuis 2011, aux mois d’avril et mai. Le projet est conçu et produit par Momkin – Espaces de possibles (Emilie Petit, Marseille, France).

Avec une volonté d’imposer expérimentation, recherche et création dans une ville en mutation et dans un contexte politique mouvant, Nassim el Raqs -un laboratoire de création in situ- propose d’ouvrir de nouveaux cadres de création et de production pour des artistes à Alexandrie, en leur offrant de s’emparer de morceaux de ville pour y interroger leurs pratiques, leurs désirs, leurs impulsions, leurs gestes dans des contextes de travail imprévisibles et innovants.

Le projet est conçu comme une balade poétique et chorégraphique à travers Alexandrie, au cours de laquelle des artistes égyptiens et internationaux s’approprient des lieux emblématiques à travers la ville pour les transformer en espaces de création artistique le temps de l’événement. Bien que le festival s’appuie principalement sur la danse contemporaine, Nassim el Raqs est ouvert à toutes les disciplines.

Depuis 2011, Nassim el Raqs a accueilli plus de 20 créations in-situ réalisées par des artistes venant d’Egypte, France, Allemagne, Côte d’Ivoire, Liban, Pays Bas, Espagne, Suisse, Royaume-Uni, USA. Les représentations et autres activités mises en oeuvre ont été suivies par plus de 3000 personnes.

T-talk I à la Tanzmesse

SHAPERS: Remettre en question la perception. Danse dans l’espace public de la région euro-méditerranéenne – PARTIE I

 

Les partenaires de SHAPERS ont présenté le projet au internationale tanzmesse nrw, un rassemblement biennal de professionnels de la danse contemporaine à Düsseldorf, en Allemagne. Ils ont parlé de leur exploration et de la façon dont la danse peut aider à renégocier la perception et le rôle du corps dans les espaces publics en Méditerranée à travers leur projet lors d’un T-Talk.

L’impact de la danse dans un environnement public varie selon les régions culturelles. Selon le contexte culturel, cela concerne le rôle du corps en public. Des partenaires français, bosniaques, marocains, espagnols et égyptiens ont uni leurs forces dans le cadre du projet européen SHAPERS, qui présentera des spectacles de danse dans des lieux publics lors de festivals. Dans le cadre de la présentation du projet, les partenaires de la coopération explorent comment la danse peut aider à renégocier la perception et le rôle du corps en public en Méditerranée.


l’Internationale tanzmesse nrw rassemble des artistes de plus de 50 pays d’Europe, des Amériques, d’Afrique et d’Asie offrant une chance égale de présenter leur travail à un public professionnel. La Tanzmesse est un événement dédié à la danse contemporaine sans aucune orientation géographique spécifique.

Plus d’informations sur l’international tanzmesse nrw

Rézodanse

Centre Rézodanse – Egypte est un centre culturel indépendant dédié à la promotion et au développement de la danse à Alexandrie, créé en 2008 par Lucien Arino.
Il est à la fois un espace de travail et un lieu où de nombreux projets culturels sont mis en oeuvre et organisés. A travers leurs activités, le Centre Rézodanse défend et promue la danse en tant que discipline artistique, respectable car profondément ancrée dans le patrimoine égyptien.

Convaincu du rôle de la danse dans l’éducation, nous pensons que son développement et sa mise en valeur en Egypte doivent contribuer à l’affirmation de la diversité culturelle de la société égyptienne et à l’émergence d’une scène artistique d’une grande vitalité.

Nos activités ont été conçues sur trois composantes essentielles: la formation, la sensibilisation et la diffusion. En effet, nous croyons que, dans le but de promouvoir notre discipline, il est nécessaire d’améliorer et de développer la formation, de construire un public plus large, en particulier parmi la jeune génération, et d’accroître la visibilité de la danse en donnant la possibilité à des chorégraphes locaux et internationaux de présenter leur travail.

Zvrk Festival

L’association Zvrk et son festival international de danse, du même nom, mis en place à Sarajevo en 2008, est un co-organisateur et partenaire du projet européen SHAPERS, qui traite du thème de l’art chorégraphique contemporain et de la scène dans l’espace public.

Le projet a été initié et résulte de la coopération d’acteurs culturels dans le domaine des arts chorégraphiques : Compagnie de danse Ex Nihilo [Marseille-France], Centre de danse Rézodanse [Alexandrie-Égypte], Organisation artistique Momkin-espaces de possibles [Marseille-France ], le festival Nassim el Raqs [Alexandrie-Egypte], Festival international de danse contemporaine Mes de Danza [Séville-Espagne], Centre de danse Espace Darja [Casablanca-Maroc], Zvrk [Sarajevo-BiH] et l’organisation de production in’8 circle [Marseille-France].

Grâce à ce projet international, le festival Zvrk a présenté au public de Mostar, Sarajevo et Banja Luka du 19 septembre au 1er octobre 2017 un programme de spectacles de danse riche et de qualité. Au cours du programme marathon du festival, le public ont découvert 30 artistes internationaux et locaux qui ont présenté leurs œuvres à différents endroits de l’espace public de ces villes.

Immersion à Nassim el Raqs

Avec Jean Antoine Bigot, Shahd el Khattabi, et les danseurs participants au workshop de transmission et d’audition de SHAPERS.

Réalisation Sarah Limorté, chargée de médiation de Momkin – espaces de possibles et coordinatrice du programme de formation des volontaires et bénévoles du festival Nassim el-Raqs.

Images : équipe de bénévoles du festival Nassim el-raqs.

Teaser de la 6ème édition de Nassim el-Raqs