-par Meryem Jazouli, chorégraphe et directrice de l’Espace Darja
LA place des nations unies, casablanca
Tout d’abord il est utile de présenter sommairement cette place située au centre de Casablanca et qui, comme beaucoup de villes marocaines, se compose d’une ancienne médina et d’une ville nouvelle. Entre ces deux dernières, la Place des Nations Unies fait le lien, comme un pont entre le passé et le présent. Reconnaissable grâce à sa coupole surnommée « Kora Ardia », elle est le point de rencontre des grandes artères et est l’une des plus importantes places de Casablanca.
Cette place est donc le lieu de rdv, de passage, et de rassemblement de tous les casablancais sans exception (qu’ils soient à proximité ou en périphérie de la ville) .
Ce n’est pourtant pas seulement la situation emblématique de cette place qui a déterminé mon choix, mais aussi le vis à vis particulièrement symbolique entre la médina et la nouvelle ville. Cela a motivé mon envie qu’un geste chorégraphique soit posée entre elles , comme pour en prolonger le lien .
Danser avec l’architecture de la ville comme décor, m’a rapidement décidé à faire exister SHAPERS au Coeur de Casablanca, cela me semblait être aussi un beau défi que de permettre aux danseurs (même pour un temps assez court) d’appréhender une histoire et pour certains d’entre eux leur Histoire par un geste dansé.
Comment poser un geste, son geste, dans un espace comme celui-ci?
Comment lui donner suffisamment vie pour qu’il fasse écho à cette architecture, ce cadre et dans l’esprit du public?
Avec générosité, sobriété et beaucoup de disponibilité les danseurs apprenaient à porter, transmettre , questionner et même à faire réagir le public autour de cet objet chorégraphique qu’ils défendaient progressivement avec acharnement.
Il ne s’agissait pas de se mesurer à ce lieu mais plutôt d’essayer de faire corps avec, d’y plonger avec poésie, sensibilité et émotion. Les danseurs avaient l’humilité et l’ambition de lui conférer une autre dimension, celle que permet l’art quand il réunit toutes ces conditions là.
Le rapport de proximité qu’offre la place des nations unies (dans ce cas là entre la danse et un public), nous permettait de remplir un des objectifs majeurs du projet SHAPERS et qui n’est autre que celui de rendre accessible, commun (de par l’espace partagé) la danse, une danse, celle, portée par de jeunes interprètes.
Pour les danseurs de ce projet, la place des Nations Unies offrait également l’opportunité de rencontrer, de réaliser la diversité culturelle de cette ville (que pour la majorité ils découvraient). Ils apprenaient à observer, toucher et être touché par tous les espaces qu’ils ont occupés et ils apprenaient surtout à le faire avec curiosité, sensibilité et respect.
Tous ces ajustements , mouvements, leur permettaient de se poser des questions, des questions nécessaires quand on est un jeune artiste et qu’on aborde l’espace public par la pratique de la danse.
Comment échangeons-nous avec les autres mais aussi entre nous danseurs ?
Quelles traces pouvons-nous ou voulons-nous laisser dans les lieux que nous traversons?
Quelle différence cultivons-nous ou pas?
Et enfin comment un lieu symboliquement aussi fort participait à notre trajectoire, aussi bien personnelle que professionnelle?
Voilà, brièvement et peut-être de manière incomplète , les raisons qui m’ont poussé à choisir ce lieu, cette place, celle des Nations-Unies comme une“scène” possible pour les premiers pas de SHAPERS.
L’Espace Darja [Casablanca-Maroc], fondé par Meryem Jazouli, chorégraphe, est un lieu de résidence, d’expérimentation culturelle, inscrit dans le paysage artistique comme une plateforme d’échange, de rencontre et de présentation pour le développement de la danse contemporaine au Maroc. www.espacedarja.com