-Fanni Nánay, Directrice du PLACCC Festival
En tant que programmatrice d’un festival, habituellement je vois une performance ou un projet artistique seulement une fois (ou j’en entend parlé ou je lit à ce sujet) avant de l’inviter à faire partie de notre programme. C’est pourquoi c’était exceptionnel pour moi de pouvoir suivre SHAPERS pendant une longue période et à travers différentes villes avant de présenter la pièce à Budapest.
La première fois que j’ai entendu parler du projet SHAPERS, c’était à la Tanzmesse à Düsseldorf, début septembre 2016 – exactement deux ans avant la présentation à Budapest. L’idée de base d’une collaboration de danseurs de différents pays et de différentes cultures, créant un spectacle dans l’espace public et explorant les possibilités de ce type de travail, en dehors des lieux de création traditionnels, a immédiatement attiré mon attention. Je me sens privilégiée d’avoir vu la performance SHAPERS, développée dans le cadre du projet de collaboration, dans trois pays différents, dans trois contextes différents : devant une mosquée à Alexandrie, devant un musée à Sarajevo et devant un centre commercial à Marseille. Ainsi, la pièce de danse a pu rencontrer la religion, l’histoire et le commerce dans les trois villes.
Je pensais qu’il serait très pertinent de présenter SHAPERS également à Budapest – et de le confronter à la politique en quelques sortes. Le nationalisme et la xénophobie dans le discours politique officiel hongrois sont effrayants et extrêmement dangereux, donnant lieu au genre d’actes lorsque des personnes à la peau plus sombre sont tabassés par de «vrais» Hongrois. La belle et puissante performance de 8 danseurs de pays arabes et européens représente pour moi une ouverture sur les autres et je voulais apporter cette ouverture et cette acceptation à l’atmosphère toxique créée par la propagande gouvernementale en Hongrie.
Choisir l’emplacement d’un projet artistique dans l’espace public est toujours un aspect crucial de l’adaptation locale, et il était encore plus important pour moi de trouver une place significative pourSHAPERS, pour les raisons susmentionnées. J’ai proposé plusieurs options à Anne et à Jean-Antoine par courrier électronique, mais j’étais moi-même pas convaincu que c’étaient de bonnes suggestions, j’ai pensé à la place Rákóczi et ils sont tout de suite devenues enthousiastes.
La place Rákóczi est située à la frontière d’un quartier plus pauvre et ambivalent de Budapest, habité pour la plupart par une population Rom, qui était auparavant une zone désavantagée, mais qui est en cours de développement et de gentrification ces dernières années. Nous avons programmé plusieurs projets dans ce district, très souvent en collaboration avec des habitants locaux. En outre, MindSpace est une association partenaire de notre festival et exerce ses activités dans la halle du marché, ce qui lui permet de nouer des liens étroits avec les habitants de la région. Ils nous ont également aidés à organiser la discussion d’après-spectacle dans la halle après. ses heures d’ouverture.
Je pense que notre choix pour le lieu s’est avéré judicieux. Des gens du quartier et des professionnels de la danse et de la scène culturelles hongroises sont venus voir le spectacle ensemble. À la fin, une femme Rom m’a dit : « Ces gars-là savent vraiment danser. Évidemment, nous, les gitans, le savons mieux que quiconque, mais ils y réussissent aussi très bien ».
En 2018 le festival PLACCC a continué son travail des 10 dernières années en accueillant des événements artistiques in situ dans des espaces publics et des lieux uniques. Les mots clés du festival cette année étaient le corps et la technologie ; le programme consistait principalement en des productions de danse et des projets basés sur les nouvelles technologies.