À prendre part de cette initiative qui met en jeu les liens entre transmission / formation / création, de pair à pair, de pair à non pair, à travers une sorte d’accompagnement en tant que danseur-interprète membre de la compagnie qui la pilote, la compagnie Ex Nihilo, le projet SHAPERS m’a offert la possibilité de m’ouvrir à des périodes d’échanges, d’expériences, d’apprentissage, non seulement autour de ce qu’il serait un des points d’intersection à nous tous, la danse, mais aussi de ce que représente ce rapprochement, cette cohabitation, ce travail collectif de personnes d’horizons, moeurs et pratiques différents, tant dans le plan professionnel comme d’interaction géographique, sociale-politique, artistique, humaine, individuelle, de groupe, en équipe, moi même en étant d’origine non pas méditerranéen ni français-européen, mais péruvien-latino américain.
Participer à l’audition à Séville, contribuer à la sélection des deux candidat.e.s espagnol.e.s, a été riche, un moment marquant de par la considération des critères à prendre en compte pour le faire. Se trouver face à des danseurs/euses à sélectionner, non pas pour une pièce qui ferait parti du répertoire de la compagnie, dans laquelle on se retrouverait pairs en tant qu’interprètes, mais des danseurs/euses qui se démarquent par leur potentiel “en devenir”, leur disponibilité, leur ouverture, qui corresponde le plus au profil, aux enjeux globaux du projet, au lieu d’être remarqué.e.s de par leur expérience professionnelle principalement, ou de leur atout en tant qu’artistes affirmés dans la pratique du métier. Des danseurs/euses auxquels transmettre, imbiber d’une démarche spécifique, d’un esprit de travail, d’une approche de la danse, aboutir à la création d’un spectacle et sa part de diffusion, résultante de cette coopération entre tous les partenaires membres du projet, dans lequel le chemin pour y arriver a été peut-être le plus significatif.
Le fait de travailler en équipe avec Corinne, danseuse chorégraphe interprète parti du noyau dur de la compagnie, avec Anne et Jean-Antoine, danseurs à leur tour, chorégraphes directeurs artistiques, avec qui on a le privilège de pouvoir continuer à consolider un terreau sur lequel nos danses s’épaississent dans ce frottement physique et poétique politique en lien direct avec les lieux, leur environnement, l’endurance et la réalisation de divers projets, poser et échanger nos regards dirigés vers une même objectif, vers une même direction, s’accorder, se compléter par la mise en jeux, par la mise en entente de nos expériences, de nos points de vue et de voir, de nos sensibilités propres à chacun, a fortement contribué, il me semble, à qu’une cohérence dans la démarche de la compagnie soit transmisse. Cette dimension de travail en équipe est aussi formatrice, toujours enrichissante, très stimulante, par-dessus des aléas, des réalités propres aux conjonctures actuelles qui vont agir comme des facteurs perturbateurs, fragilisants, dont nous nous retrouvons chacune/chacun, à son échelle, à faire face et dans lesquels on cherche à se dépatouiller pour continuer d’avancer.
Participer au travail de fond, aux ajustements liés à l’adaptation in-situ pour l’étape finale juste avant que la pièce se produise en public –à Casablanca, un peu à Marseille– contribuer à donner une dynamique, à injecter de la confiance dans la prise de conscience du sens collectif émané de la pièce par l’intervention de chacune et chacun à la danser, les sentir grandir, évoluer, dédoubler en puissance, sensibilité, en écoute collective, en savoir faire, en être témoin de près puis de loin et peu à peu s’effacer pour leur laisser la place, leur place, leur autonomie à devenir directement eux les artistes en action, en mouvement, en train de danser leur singularités, leur synergie, en train de s’approprier des outils, des supports, des indications données, en train de porter en eux, et vers l’extérieur, cet immense travail traversé, ceci est plus de l’ordre du respect pour la labeur accomplie, d’une grande satisfaction, d’un énorme plaisir partagé.
-Rolando Rocha, danseur de la cie Ex Nihilo
Rolando Rocha s’initie à la scène au Pérou en 1989. Arrivé en France en 2000 pour les Ateliers du Monde au Festival Montpellier Danse, il suit la formation du Centre National de Danse Contemporaine -CNDC- d’Angers de 2000 à 2002. Par la suite, il prend part à de nombreux projets notamment au sein de compagnies : Patrick Le Doaré, UnterwegsTheatre (A), Pal Frenak, Chatha, La Baraka, Kubilai Khan Investigations, Maguy Marin… Au Pérou, il participe de manière ponctuelle à la réalisation de projets d’échange, de transmission, de création, en collaboration avec des artistes et des promoteurs culturels locaux. Il rejoint Ex Nihilo en 2009 pour collaborer sur tous les projets de création et de coopération.